Parti de Mindelo (Cap-Vert) il y a 29 jours, le duo du Class40 Crédit Mutuel a rallié en 3e position la ligne d’arrivée de l’immense deuxième étape de la Globe40. Victorieux du prologue et de la première étape il y a quelques semaines, Ian Lipinski préserve toutes ses chances de victoire dans cette deuxième édition du tour du monde en double avec escales.
Il y a ce qu’on savait du gigantisme de cette étape de 6904 milles théoriques entre le Cap-Vert et l’île de la Réunion, au cours de laquelle les huit Class40 engagés allaient affronter le pot au noir, le contournement de l’anticyclone de Sainte-Hélène, l’entrée dans les Quarantièmes Rugissants, le franchissement du cap de Bonne-Espérance, l’entrée dans l’océan Indien, les longs bords tirés le long de la zone des glaces et enfin la remontée vers des températures plus clémentes et l’arrivée… Et il y eut aussi, et surtout, tout ce qui fait le sel de la course au large et du voyage : un amoncellement de découvertes, de surprises et, parfois, de déconvenues.
Pour Ian Lipinski et Amélie Grassi, la route n’aura pas été des plus simples. Ce fut également le cas pour tous leurs adversaires, mais le duo du Class40 Crédit Mutuel aura mis du cœur à l’ouvrage pour, dans un premier temps, compenser un départ convenablement négocié mais pas tonitruant, marqué notamment par un amarinage délicat pour Amélie Grassi aux premiers jours de la course, puis une descente vers les latitudes septentrionales plus favorables au design du Class40 de Belgium Ocean Racing – Curium… mais aussi les contrariétés d’un sport mécanique. Privés de l’usage du spi medium, voile d’avant particulièrement efficace dans le vent portant, les deux équipiers ont dû faire contre mauvaise fortune bon cœur, multipliant les efforts pour compenser cette perte et pour combler le retard que le Class40 Crédit Mutuel accusait sur les leaders au cap de Bonne-Espérance, Benoît Hantzperg et Renaud Dehareng.
Ce que veut le vent…
L’intense enchaînement de manœuvres le long du 42° S, à la limite de la zone des glaces, interdite à la navigation, a permis à Ian Lipinski et Amélie Grassi de reprendre le leadership, et même de porter leur avance à 70 milles environ… jusqu’à ce que la météo s’en mêle. Et cette semaine, tandis que les deux duos de tête s’emmêlaient dans les vents faibles et contraires, le tandem allemand composé de Lennart Burke et Melwin Fink profitait d’une dépression opportunément née dans leur dos pour effacer la quasi-totalité de leur ardoise, qui s’était élevée jusqu’à 600 milles lors de leur entrée dans les Quarantièmes Rugissants, pour ne plus compter que 16 milles de retard à moins de deux jours de l’arrivée à la Réunion, et revenir se mêler à la lutte pour la victoire !
Dans le même temps, Ian Lipinski et Amélie Grassi tentaient toujours de préserver leur avance de 8,5 milles sur Belgium Ocean Racing, tout en faisant face à une zone de transition, de celles qui éreintent les plus belles ambitions.
Puis, il y a un peu plus de 24 heures, le trio d’agitateurs de la tête de course ont fini par se regrouper, butant dans la même transition, freinés par les vents faibles. Comme l’avait si joliment dit Ian Lipinski, prémonitoire, l’étape s’est jouée à la « séance de tirs au but », dans les dévents de la côte nord-ouest de l’île de la Réunion. L’approche de la ligne d’arrivée mouillée à l’entrée de Saint-Paul fut bien poussive, et les trois équipages ont plus compté sur la bonne gestion de la navigation face au vent que sur leur stratégie, faute d’options stratégiques radicales.
Au final, Benoît Hantzperg et Renaud Dehareng (Belgium Ocean Racing – Curium) ont franchi la ligne d’arrivée les premiers, devant Lennart Burke et Melwin (Next Generation Boating Around the World). Après 29j 22h 05min de course, les vainqueurs s’imposent avec 7min 26sec d’avance sur leurs dauphins, qui ont pris le meilleur sur le Class40 Crédit Mutuel pour 1min 56sec…
Un grand moment de la course au large
Cette étape de 6904 milles théoriques aura en réalité imposé une route bien plus longue au Class40 Crédit Mutuel qui, en 29j 22h 14min 22s, a parcouru 8 334,62 milles nautiques, soit 15 436,7 kilomètres pour rallier la baie de Saint-Paul. Pour cette génération de Class40 à l’étrave arrondie, Mindelo-La Réunion représente un sommet d’endurance, mais aussi de vitesse constante, le Class40 Crédit Mutuel ayant parcouru cette Grande Route à la vitesse de 11,60 nœuds (21,48 km/h).
Ce grand moment de course au large est également sanctionné d’un coefficient 3. Ainsi, après avoir empoché un demi-point en remportant le prologue entre Lorient et Cadix (Espagne), puis 1 point à l’issue de la première étape entre Cadix et Mindelo (coefficient 1), le Class40 Crédit Mutuel compte désormais 10,5 points, ce qui le situerait en 2e place du classement général (avant jury), Belgium Ocean Racing – Curium s’emparant du leadership avec 6,5 points. Troisième avec 14 points, Next Generation Boating Around the World conforte sa troisième place au classement général.
Ian Lipinski : « Quelle drôle de fin d ‘étape ! C’est un peu décevant pour nous, mais c ‘est comme ça. À deux trois reprises durant ces dix derniers jours, nous avions su nous ménager quelques dizaines de milles d’avance sur nos concurrents, tout en sachant que nous serions tous les trois ensemble face à la ligne d’arrivée. Au niveau émotionnel, j’ai plutôt bien géré à la fin, je ne me suis pas énervé… contrairement aux dix derniers jours au cours desquels, à chaque fois qu’on partait devant, on se faisait rattraper dans les vents faibles. On n’a jamais eu la solution pour filer tout seuls. Ç’a été le plus dur pour moi.
Sur la toute fin de cette énorme étape, on savait que ce serait aléatoire. Puisqu’on n’avait pas été payés en naviguant près des côtes des îles précédents, on a choisi d’aller au large. Les deux autres bateaux ont navigué à la côte, et ils ont eu le vent qu’on n’avait plus. On a regardé Next Generation Boating Around the World filer vers la ligne pendant qu’on était à l’arrêt, et ça fait 1’56 de différence à la ligne, en leur faveur. Maintenant, nous avons trois petites semaines pour récupérer de tous les efforts que nous avons fournis.